décembre 2021
par : Richard Fisher
Le pouvoir des noms n’est pas anodin. La pratique de donner des noms à ce qui nous entoure remonte au début de l’ère humaine, à une époque où certains noms étaient tellement sacrés qu’on ne devait même pas les prononcer. Les noms peuvent élever et racheter, profaner et déshumaniser, libérer ou emprisonner.
Il n’est donc pas surprenant que dans nos cultures universitaires concentrées, les questions entourant les noms par lesquels nous désignons les choses ont pris un sens particulier, et ce, non seulement sur les campus, mais au-delà. Les noms sont devenus la cible des guerres culturelles qui sévissent tout autour de nous. L’Université d’Oxford a résisté aux appels au démantèlement de la statue de l'impérialiste de race blanche Cecil Rhodes (le fondateur des bourses Rhodes) en y ajoutant une plaque sur laquelle il est décrit comme « un colonialiste engagé ». Ce qu’une personne considère comme étant un « moment propice à l’apprentissage » constitue une grave insulte pour une autre.
Les universités, collèges et écoles indépendantes sont au centre de ce débat puisque les noms font partie intégrante de leur culture : les facultés, écoles, édifices, terrains de sports, équipes sportives, et même les bourses et chaires universitaires. Tous peuvent porter des noms qui risquent de ne pas résister à l’épreuve du temps. Ce qui rend les établissements d’enseignement uniques est qu’ils sont coincés entre l’instinct de maintenir une perspective institutionnelle à long terme d’un côté et les représentations d’une communauté d’étudiants et de parties prenantes externes de plus en plus conscientes de ces questions d’un autre côté. Une chose dont nous pouvons être presque certains est qu’une grande partie de la communauté sera convaincue que les établissements d’enseignement « n’ont pas bien agi », quel que soit le résultat.
Il y a cependant un côté positif au processus de changement de nom. De nombreux établissements d’enseignement canadiens ont amorcé de vastes consultations communautaires concernant les noms sur leurs campus ou au sein de leurs structures. Un des exemples récents les plus marquants est l’Université Ryerson, qui s’est engagée à changer de nom d’ici l’année universitaire 2022-2023, et qui utilise le processus de changement de nom pour engager encore plus profondément la communauté de l’Université Ryerson.
En réponse aux commentaires de leurs communautés, l’Université Queen’s a supprimé le nom de Sir John A. Macdonald et l’Université du Nouveau-Brunswick a supprimé celui de George Ludlow de leurs facultés de droit respectives. Ce que ces changements ont en commun est qu’ils avaient été exigés par des étudiants autochtones et leurs communautés depuis de nombreuses années, et que ces décisions constituent donc un puissant message d’accueil et d’inclusion.
Des réflexes similaires ont mené à des changements de noms à l’Université McGill : les équipes sportives « Redmen » sont devenues les Redbirds (pour les hommes) et les Martlets (pour les femmes). Quant au Collège St. Lawrence à Kingston, Ontario, il a changé le nom de son Centre autochtone Eagle’s Nest, qui est devenu le Centre autochtone Waasaabiidaasamose. En 2021, le district scolaire catholique de Calgary a changé le nom de l’école secondaire Bishop Grandin à l’école secondaire Our Lady of the Rockies, en raison du rôle de l’évêque Grandin dans la création du système de pensionnats autochtones. Il existe de nombreux autres exemples dans le secteur de l’éducation au Canada.
Les conséquences de ces changements pour le secteur de l’avancement institutionnel sont multiples. Les diplômés auront certainement des opinions divergentes, comme ils en auraient pour presque tous les enjeux, car ils ont l’établissement à cœur. Les donateurs, dont plusieurs sont des diplômés, ont exprimé leurs opinions individuelles concernant la question des changements de noms, mais ni les diplômés ni les donateurs n’ont d’opinions monolithiques. Leurs points de vue touchent à tout un éventail d’opinions. Les bureaux de l’avancement institutionnels eux-mêmes sont pour la plupart restés scrupuleusement indépendants, puisqu’ils ont judicieusement reconnu qu’un processus déjà complexe ne bénéficierait pas de l’ajout de questions liées au développement.
Malgré toutes les controverses entourant les questions de changements de noms, elles représentent néanmoins une occasion unique en matière d’engagement de la communauté à tous les niveaux. Cet engagement ne conduira jamais à l’unanimité, mais il générera un débat vigoureux et des délibérations réfléchies, ce qui est l’objectif même des universités. Le point le plus important à retenir en ce moment est qu’un engagement communautaire approfondi et authentique est essentiel pour que les gens se sentent écoutés – qu’ils soient d’accord ou non avec le résultat final. D’une manière ou d’une autre, nous reviendrons sans doute sur les questions liées aux noms, aux changements de noms et aux attributions de nouveaux noms dans un avenir pas très éloigné.
Ressource associée : https://ccaecanada.org/2022/06/28/naming-names-ccae-expose-3-interview/